Terres de Lumière – la filière de la châtaigne n’est pas près d’être relancée …

Le développement économique est un sujet sensible, car l’emploi local est crucial pour les familles et la vie de nos villages.

Nous avons récemment tenu à faire le point d’un projet, déjà ancien, de création d’un atelier de transformation des châtaignes, pour lequel une étude d’opportunité, réalisée par la société AGRO-SYNERGIES, concluait à une faisabilité réelle, mais à certaines conditions très précises :
- surfaces : 200 m2 de bâtiment et 1000 m2 de terrain (parking et accès livraison),
- coût : 356.000 euros HT, avec 40 à 60 % de subventions,
- nombre d’emplois et affectation : 1 chef d’atelier, 1 assistant d’atelier, + des saisonniers pour le ramassage, notamment en zone difficile, soit 5 ETP (Equivalent Temps Plein) au bout de 5 ans,
- production, 26 tonnes au bout de 5 années, dont 11 à vendre en frais et 15 à transformer,
- opportunités d’approvisionnement (de 7 tonnes à 26 à partir de la 6ème année), avec des possibilités d’élargis-sement de l’approvisionnement,
- seuil de rentabilité : coût de production = 1,36 euros/kilo pour 10 tonnes, = 0,54 euro/kilo pour 25 tonnes ; un volume de 15 tonnes de matière première est un minimum pour pouvoir amortir les investissements en matériel, - une conversion BIO (500 euros/an pour obtenir la certification), avec possibilité de regroupement de récolte pour ne pas démultiplier les coûts de certification,
- circuits de commercialisation : les touristes de la région d’ANNOT, mais, au-delà, toute la région PACA ; en produits BIO, circuits courts (paniers, points de vente locaux) et magasins spécialisés,
- modèle juridique : la SCIC après analyse des autres structures possibles, soit une structure collective sociale, permettant la participation de la collectivité (20 % maximum du capital),
- montage technico-économique du projet et plan de financement prévisionnel, ainsi que les simulations de compte d’exploitation sur 5 années, avec une rentabilité dès la 3ème année (montée en charge progressive des charges salariales), à condition d’atteindre au moins 19 tonnes de châtaignes.

Les conditions de réussite du projet sont également on ne peut plus claires :
- intégrer la filière complète, de la récolte à la commercialisation,
- mettre en place un projet local, collectif, de type SCIC avec participation des producteurs et des Association Syndicales de propriétaires de forêts (ASL), garantir l’approvisionnement en châtaignes,
- valoriser les produits,
- développer les compétences,
- s’appuyer sur les acteurs locaux dynamiques,
- piloter et gérer la structure de manière professionnelle,
- poursuivre l’animation via le Pays,
- développer le partenariat et la synergie avec le projet d’atelier de la communauté de communes du Pays de Banon (investissements coordonnés et promotion commune).

Or le président de Terres de Lumière a récemment « planché » devant le groupement d’action locale « Confluences autour du Verdon », afin de lancer une nouvelle étude, destinée à financer une étude architecturale, économico-touristique et un business plan, pour 32.000 euros HT, ainsi qu’un (énième) voyage d'étude (SCIC OKRA ou Atelier en Corse ou Atelier de Collobrières), pour un coût de 3.000 euros HT, soit un coût total de l’opération de 35.000 euros HT.

Quant au plan de financement prévisionnel, il fait intervenir l’Europe (Feader) pour 19.250 euros, la Région pour 10.500 euros et le conseil général 04 pour 5.250 euros, soit … 100 % du budget prévisionnel HT …

Le calendrier de mise en œuvre prévoit :
- Automne 2013: lancement du marché public,
- Hiver 2013 – printemps 20l4: évaluatif de la production de 2013,
- Etude des lieux d'accueil de l'atelier et étude des possibilités de montages juridiques et financiers pour la pérennisation de l'atelier.

Mais le président de Terres de Lumière, dans l’exposé du projet pour le GAL, nous dit aussi les choses suivantes :
- que le terrain et le local sont mis à disposition sur la Commune du FUGERET,
- que l’étude architecturale portera sur l'aménagement de l'atelier dans le local du FUGERET (extension de bâtiment, rénovations, mise aux normes sanitaires, et investissement en équipement),
- qu’une étude économico-touristique permettra de créer un produit « tourisme/châtaigne » (point de vente à l'atelier, visites, offre de randonnées, modes de commercialisation),
- qu’une étude juridico/économique sera menée pour le montage de la SCIC en termes de business plan, incluant la définition de différents scénarii de financements et les liens avec le montage juridique le plus pertinent selon les différentes hypothèses financières, et pour l'organisation du poste de salarié (répartition du temps de travail à l'année, missions du poste).

Que penser d’une telle évolution d’un projet qui semblait pourtant bien étudié, et apte à permettre de relancer une filière, à l’instar d’autres territoires comme l’Ardêche ou la Corse ?
1 – que le projet initial est considérablement réduit, avec un local bien plus petit, des conditions de mises à disposition, au FUGERET, et un seul emploi salarié, déjà prédéterminés,
2 – que l’ambition n’est plus du tout de relancer la filière, mais seulement de créer un atelier de transformation a minima (même si une commercialisation sur place semble envisagée).

De là à imaginer que l’étude proposée au GAL est déjà largement biaisée par des choix déjà faits, il n’y a qu’un pas que nous franchissons allègrement : la commune du FUGERET est en train d’acquérir le local (une délibération a été prise dès le mois d’avril à cet effet) et l’unique emploi salarié envisagé serait d’ores et déjà réservé au frère de Mr le maire du FUGERET.

On ne peut que rester confondu par tant de candeur, ou de rouerie (selon qu’on veuille être gentil ou pas …). Dépenser autant d’argent pour si peu de résultat, en études d’abord, puis en travaux ensuite, c’est véritablement faire preuve d’un manque de discernement et de sérieux dans la gestion des deniers publics. Le projet exposé ne comporte, par ailleurs, aucune garantie de durabilité, et les sommes en jeu sont bien trop importantes au regard des perspectives réelles de développement économique (1 emploi et 1 filière de commercialisation qui restera fragile).

Que souhaitons-nous ?

- que le projet initial soit mis en œuvre tel que défini par l’étude d’AGRO SYNERGIES,
- que le local et sa transformation en atelier soient acquis par la communauté de communes directement, afin qu’elle soit apte à maîtriser le projet dans son intégralité,
- que l’étude proposée au GAL soit réorientée pour compléter le projet, avec la volonté de consolider et d’augmenter la production, en première priorité, comme le préconisent toutes les études et documents, notamment les fiches action de la charte forestière du Massif d’Annot et de la charte forestière du Pays A3V qui décrivent très bien les enjeux de valorisation de la châtaigne du massif d’Annot,
- que soient poursuivis les efforts de rénovation des vergers existants, mais, face au vieillissement de certaines forêts, soient également saisies les opportunités d’investissement pour recréer une châtaigneraie adaptée à une exploitation mécanisée, et ce, afin de garantir un approvisionnement suffisant du futur atelier de transformation, qui, au lieu de se limiter à un seul emploi, pourra réunir toutes les compétences nécessaires :
- des emplois spécialisés dans la transformation,
- des emplois (permanents) affectés à l’entretien des châtaigneraies et au ramassage mécanisé des châtaignes. - que nos élus fassent preuve d’un peu plus de discernement et de courage pour ce projet

Ce second volet destiné à compléter le projet initial aurait pour avantage de permettre de consolider les ASL, d’assurer une production suffisante et ainsi, de recréer une filière économique digne de ce nom.