Dépendance : la concertation démarre

Le 15 décembre, le gouvernement a dévoilé le calendrier de la réforme de la dépendance et quelques pistes de financement. Les conseils généraux, qui sont en première ligne ont, quant à eux, ont décidé de lancer leurs propres assises dès le mois de janvier.

Promise par Nicolas Sarkozy, la réforme de la dépendance – le “cinquième risque” de la protection sociale à côté des branches maladie, vieillesse, famille et accidents du travail – sera bel et bien le dernier gros chantier du quinquennat. Ce chantier, à risques, requiert des fondations solides et donc une phase de concertation “en béton”.

Le 15 décembre, le Premier ministre, relayé par Roselyne Bachelot, la ministre en charge du projet, a annoncé la création d’un comité interministériel de suivi, puis le lancement concomitant de quatre groupes de travail chargés de plancher sur les thèmes suivants : “Société et vieillissement”, “Enjeux démographiques et financiers”, “Accueil et accompagnement”, “Stratégie pour la couverture de la dépendance”. Ces groupes thématiques, dont la composition n’a pas été arrêtée, seront à pied d'oeuvre début janvier. Le débat se déclinera également en régions, où les préfets seront chargés de suivre et d’organiser la concertation en lien avec les directeurs des agences régionales de santé (ARS).

Assises de l’autonomie

Les conseils généraux, qui financent une grande partie des dépenses de solidarité via l’allocation personnalisée autonomie notamment, ont le même jour dénoncé le calendrier monté par le gouvernement. “C’est mettre la charrue avant les bœufs : avant de savoir ce qu’on veut faire, on parle financement”, a déploré Luc Broussy, vice-président de la commission des affaires sociales de l’Assemblée des départements de France (ADF). Yves Daudigny, sénateur PS et président de cette commission, est sur la même ligne. Il a ainsi déclaré que “d’habitude, on fixe des objectifs puis un calendrier, et là, c’est l’inverse”, tout en regrettant que “tout soit renvoyé vers le projet de loi de financement de la Sécurité sociale qui sera voté fin 2011”.

L’ADF(Association des départements de France) toujours, qui ne veut pas être prise de court, a elle-même annoncé qu’elle organisera en janvier et février des assises de l’autonomie pour apporter sa contribution au débat national ! Lors de son congrès fin octobre, l’association avait déjà organisé une table ronde sur le sujet “Financement de la solidarité : faut-il passer de l’APA à la dépendance” ? Table ronde à laquelle avait participé Nora Berra, la secrétaire d’État alors en charge du dossier. Celle-ci s’était contentée de vagues déclarations sur le sujet, évoquant un “écosystème du vieillissement à créer” et formulant un vœu : que l’on ne parle plus d’APA, mais de l’“autonomie avenir des aînés”.

Assurance privée

Les conseils généraux ont été particulièrement attentifs à la déclaration du 15 décembre de Roselyne Bachelot, pour qui “il s’agit d’abord de régler la situation des départements qui sont à la fois pauvres et avec beaucoup de personnes âgées”. D’où les mesures annoncées pour la prochaine loi de finances pour la Sécurité sociale. À plus long terme, reste à savoir comment trouver les quelque 30 milliards d’euros qui seront nécessaires pour couvrir les dépenses au titre des allocations dites de solidarité. Même si, à ce stade, rien n’est encore tranché, l’idée que l’assurance privée vienne en appui, d’une manière ou d’une autre, pour prendre en charge une partie des besoins des personnes dépendantes, fait son chemin.

Le 15 décembre encore, c’est la députée UMP Valérie Rosso-Debord, auteure d’un rapport sur la prise en charge des personnes dépendantes, qui est revenue à la charge. Son idée ? “Un socle de base de solidarité nationale et éventuellement, je dis bien éventuellement, en plus une contribution supplémentaire.” La députée a bien précisé que le gouvernement n’entendait “pas préempter le débat qui va avoir lieu”. “On pourrait réfléchir à un dispositif supplémentaire sur l’hébergement en maison de retraite”, a poursuivi Valérie Rosso-Debord. Ce supplément de financement consisterait à faire souscrire par les particuliers un contrat dépendance auprès de leur assureur ou de leur mutuelle. La députée a affiché sa préférence personnelle pour une souscription obligatoire, donc non facultative. Les départements demeurent silencieux sur ce point.


La Gazette Santé Social de décembre 2010 a publié un article de fond sur le sujet, donnant un éclairage différent du sujet Un article de fond sur la dépence : enjeux et questions

Commentaires

1. Le mardi 8 février 2011, 19:06 par Francis

La consultation sur la prise en charge de la dépendance est lancée. Nicolas Sarkozy en a lui-même fixé le cadre mardi, en clôture d'une matinée de travaux du Conseil économique, social et environnemental sur le sujet. Le calendrier est plutôt resserré : les débats dureront six mois avant la présentation d'un projet de loi gouvernemental quelques semaines plus tard et l'examen au Parlement à l'automne. Les structures censées nourrir la réflexion sont en place : au niveau national, avec les quatre groupes de travail réunissant l'ensemble des acteurs concernés et des experts, mais aussi en régions, sous l'égide des préfets et des agences régionales de santé.

"Nous ne pouvons plus attendre, notre société a pris du retard", a dramatisé le président de la République, après avoir repoussé plusieurs fois la promesse de s'attaquer à la perte d'autonomie des personnes âgées. Dans un discours au ton martial, il s'est donc employé à déminer un débat qui s'annonce délicat tant les pistes évoquées font déjà polémique. "La dépendance n'est pas qu'un problème financier, c'est une question de morale qui nous touche au plus profond de nous-mêmes", a lancé le chef de l'État. "Il ne s'agit pas de cacher le grand âge, il s'agit de le réintégrer dans la société" et non pas à côté dans des maisons de "relégation". Pour cela, le chef de l'État a insisté sur la nécessité de prévenir la dépendance en garantissant, par exemple, l'accès à un médecin de proximité ou en favorisant "certaines règles de comportement" et une vie sociale active. Le président de la République souhaite aussi maintenir à domicile le plus longtemps possible les personnes concernées.

Mais il n'a pas esquivé la question du financement pour autant, alors que le coût de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) augmente d'un milliard d'euros par an depuis quatre ans. Nicolas Sarkozy a exclu de recourir à une augmentation des impôts sur le travail parce que cela ferait "fuir les emplois à l'étranger". Pas question donc de créer une nouvelle branche de la Sécurité sociale, financée par des cotisations patronales ou salariales, comme l'a proposé la CFDT. Mais Nicolas Sarkozy s'est défendu de tout changement de cap sur le sujet, lui qui avait souvent annoncé à plusieurs reprises la création d'un cinquième risque comparable à ceux pris en charge par la Sécurité sociale (vieillesse, santé, accident du travail, famille). Pour le chef de l'État, la dépendance doit "obéir au principe d'universalité et de paritarisme qui gouverne les autres branches de la Sécurité sociale".

Toutes les autres solutions possibles restent ouvertes. Plusieurs ont émergé des rapports parlementaires consacrés à la dépendance. Deux rapports parlementaires recommandent, par exemple, un prélèvement sur le patrimoine des familles, sous la forme d'un recours sur le patrimoine ou d'un gage sur le patrimoine. Si Nicolas Sarkozy n'y a pas fait explicitement référence mardi, il s'est déjà prononcé en faveur de ce type de dispositif par le passé. D'autres solutions sont sur la table, comme l'instauration d'une nouvelle journée de travail de solidarité.

Mais l'idée la plus controversée reste celle du recours à des assurances privées. "Cinq millions de Français ont déjà souscrit une assurance (dépendance) complémentaire. N'est-il pas légitime de s'interroger sur le rôle des mutuelles, des compagnies d'assurance et des organismes de prévoyance ? Ne fermons pas le débat", a demandé Nicolas Sarkozy, qui a cru bon de préciser qu'il n'en profiterait pas pour "privatiser insidieusement l'assurance maladie"