Nos élus, les médias et la politique spectacle

Nous constatons que, de plus en plus, les journalistes ont appris à ne plus dire ou dénoncer, mais préfèrent privilégier l’effet d’annonce qui prend peu à peu le pas sur la substance de l’information. Le but est de « vendre » avant tout, plutôt que d’informer.

On serait tenté de s’arrêter sur ce constat. Faisons plutôt l’effort de l’œil critique et exerçons le doute.

« On ne nous dit pas tout ! » : tel est le principal reproche fait aux médias.

Leur responsabilité et leur justification est, depuis toujours, de collecter l’information auprès de différentes sources contradictoires, puis de vulgariser et de synthétiser des faits, les prises de position, pour alimenter la connaissance et permettre à l’opinion publique de se forger une opinion.

Dans ce schéma classique, dialecticien, tout dysfonctionnement ne peut venir que de l’absence de contre-pouvoir.

Aujourd’hui les médias ne prennent plus position, ils mettent en scène.

Les pouvoirs en place poussent les journalistes à faire de plus en plus vite, de plus en plus court, de plus en plus simple. Cela tire vers le bas, à la fois le débat d’idées, mais aussi le style.

L’avantage est que l’information est produite rapidement, facilement et à faible coût, et souvent, pour ne pas dire toujours, dans le sens qu’ont voulu suggérer lesdits pouvoirs en place.

Le citoyen se trouve déresponsabilisé.

De manière générale, le citoyen est en voie de déresponsabilisation.

Quand on voit, par exemple, apparaître des lois contre le bizutage, cela revient tout simplement à dire que les professeurs et les parents d’élèves sont déresponsabilisés, et que ce sont les gendarmes qui vont intervenir contre ces pratiques.

En tant que vice président à l’APE et siégeant au  conseil d’administration du collège, j’ai assisté aux états généraux de la sécurité à l’école et constaté l’introduction de mesures destinées à responsabiliser les élèves sous le couvert de l’autorité parentale.

Or, qu’a-t-on fait ? On a tout simplement fait appel à un animateur, sans doute bien rémunéré, qui a mis en scène, pour nous et à notre place, une manifestation.

On ne recherche plus les vrais responsables.

Autre exemple : l’affaire des emprunts toxiques contractés par des milliers de collectivités locales auprès de DEXIA, qui est en voie de restructuration, après décision de sauvetage des gouvernements belges et français.

Qui est responsable, si ce n’est celui qui a signé, contracté le prêt ?

Il est, évidemment, plus facile de dire que c’est ce « coquin » de banquier.

Au passage, qu’en est-il du prêt contracté en 2005 par la municipalité BALLESTER, auprès de DEXIA sur la base d’un produit intitulé TIPTOP EURIBOR – D », pour un montant de 1.160.000 euros, qualifié d’emprunt toxique, et dont les premiers éléments de surcoût annoncés par DEXIA en 2009 représentaient 79.000 euros ?

La source de cette information est le journal libération : http://labs.liberation.fr/maps/carte-emprunts-toxiques/)

La consultation de l’état de la dette annexé au budget de la commune ne mentionne pas les mêmes chiffres ; par ailleurs, d’autres emprunts pris auprès de DEXIA, en 2003, en 2009 et en 2010, figurent dans cet état, y compris pour la régie de l’eau en 2008.

Il serait utile pour l’information des annotains que Mr le Maire nous donne des informations sur ces emprunts comme, par exemple, le montant initial, le taux d’intérêts et l’annuité initiaux, le taux d’intérêts et l’annuité actuels, si une renégociation est intervenue et dans quelles conditions financières, à savoir la pénalité de sortie payée à cette occasion ou rajoutée au nouvel emprunt contracté pour se substituer à l’ancien.

Le public finit par se détourner de l’information et ne plus s’intéresser à la vérité. Son esprit critique s’émousse peu à peu.

Une conséquence de fond de toutes ces évolutions est le désintérêt croissant du public pour l’information et il est tout à fait clair que les journaux sont de moins en moins lus.

Place à l’information spectacle et à la « peopolisation » : songez à la manifestation « Annot table » ou encore au festival « Songes d’été » où nos élus se sont mis en scène avec délectation, sans même se soucier de savoir si les annotains se sentent concernés par leurs lubies ou les approuvent.

On a recours à l’émotion dans tous les domaines, plutôt que de faire appel au sens des responsabilités, plutôt que de traiter le citoyen comme un adulte.

Philippe Muray disait : « Il est plus facile de s’émouvoir ensemble que de vivre ensemble »

Ces changements de valeurs s’accompagnent d’une autre conséquence de fond : l’idée de progrès est en train de disparaître de notre paysage annotain.

Autrefois, on regardait l’avenir avec confiance, on était dans la certitude de jours meilleurs, les projets foisonnaient et notre commune allait de l’avant.

Aujourd’hui, on vit dans l’attente de la prochaine catastrophe, de la prochaine fermeture d’usine, de commerce, … Ceux qui sont en charge des affaires de la commune passent leur temps à avouer leur impuissance, n’ont aucune réponse aux problèmes qui se posent, restent passifs face aux évènements.

Mais ils savent comme personne faire organiser par d’autres des spectacles et des évènements, peu en rapport avec les attentes des annotains !

En réalité, face aux médias et aux pouvoirs en place, l’individu, le citoyen, doivent plus que jamais, se déterminer, exercer leur doute et rester en action.